Ons Jabeur met du baume au coeur des Tunisiens
En devenant la première joueuse de tennis du monde arabe à atteindre les 8es de finale à Wimbledon, la Tunisienne Ons Jabeur met un peu de baume au coeur de la Tunisie, en plein pic pandémique.
"Ons Jabeur intègre le club des grands", titre le journal arabophone Alchourouk, propulsant à la Une le tennis, fait rare dans un pays où le foot est roi.
"On a notre fournisseuse officielle de bonheur, la seule qui nous aide à oublier notre actualité morose en Tunisie: bravo @Ons_Jabeur", résume le journaliste Marwen Ben Mustapha sur Twitter, où fleurit le mot dièse "#Onstoppable", jeu de mots sur son prénom et le mot anglais unstoppable (inarrêtable).
Une éclaircie bienvenue alors que la Tunisie subit une troisième vague de Covid s'apparentant à un "tsunami" selon des cadres de la Santé, le taux de remplissage des hôpitaux atteignant les 100% dans de nombreuses zones.
Plusieurs régions du pays sont confinées, tandis que les rassemblements et fêtes ont été interdits dans la capitale Tunis et plusieurs grandes villes.
Difficile donc de suivre les exploits d'Ons Jabeur au café, mais ils ne passent pas pour autant inaperçus: elle a éliminé notamment l'Américaine Venus Williams, avant de venir à bout (5-7, 6-3, 6-2) de l'Espagnole Garbine Muguruza, 12e mondiale et sacrée à Wimbledon en 2017.
Pour atteindre les quarts de finale du Grand Chelem britannique, elle devra battre lundi la Polonaise Iga Swiatek, 9e mondiale et lauréate de Roland-Garros en 2020.
- "100% tunisien" -
L'ancienne ministre du Tourisme Amel Karboul l'a remerciée d'être "une inspiration pour nous tous", et Fadhel Moussa, maire indépendant de l'Ariana, près de Tunis, a salué une "époustouflante" Ons Jabeur.
Mais peu d'autres responsables politiques ont réagi à son parcours, alors que les dirigeants sont englués dont une crise politique, paralysant depuis des mois le gouvernement, alors que le pays subit le contrecoup social de la pandémie.
A 26 ans, Jabeur enchaîne les premières: en janvier 2020, elle était devenue la première représentante du monde arabe à atteindre les quarts de finale d'un tournoi du Grand Chelem, en Australie; avant Wimbledon, elle a remporté le tournoi de Birmingham, une première sur le circuit WTA pour une joueuse maghrébine.
Si les Tunisiens suivent peu le tennis, elle est devenue une championne populaire, d'autant qu'elle revendique son parcours "100% tunisien".
Originaire de Hammam Sousse, un quartier peu huppé près de la ville balnéaire, elle a débuté le tennis dès l'âge de trois ans.
Elle s'est entraînée dans un club qui avait pour tout terrain d'équipement les courts de tennis des hôtels voisins, jouant les tournois contre des garçons faute de structure féminine.
- Des ailes pour le tennis du monde arabe -
A 12 ans, la prodige intègre le lycée sportif d'El Menzah à Tunis.
"Ons avait une facilité de gestes techniques exceptionnelle", se souvient l'ex-directeur technique de la Fédération, Hichem Riani. "Elle était très vivante, dynamique, sympathique et sociable, elle aimait beaucoup l'humour".
En 2011, en pleine révolution tunisienne, Jabeur, 16 ans, se fait connaître en remportant le tournoi juniors de Roland-Garros.
Si elle a quitté la Tunisie à 16 ans, c'est pourtant ici qu'elle revient régulièrement se préparer, avec l'entraîneur tunisien Issam Jalleli, et son mari et préparateur physique Karim Kamoun, escrimeur.
"Elle nous fait oublier ce qui se passe ici et croire en nous", indique à l'AFP Borhan Ben Slimane, entraîneur de tennis à Tunis et conseiller technique.
"Le message est là: la Tunisie peut avoir des champions en sports individuels, trop souvent délaissés", estime-t-il. "Après le nageur Oussama Mellouli (double champion olympique de natation, NDLR), c'est un nouvel exploit encourageant".
Et au-delà du tennis tunisien, c'est à tout le tennis du monde arabe qu'elle donne des ailes.
"En Irak où j'ai travaillé cette année, elle est très connue, les amateurs de tennis la suivent de près", souligne Ben Slimane.
(AFP)