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Le rapport accablant d’Amnesty International sur l’Algérie

Dans son rapport annuel sur l’Algérie, l’ONG Amnesty International a dressé un tableau noir sur l’Algérie.  Selon l’ONG, les autorités ont emprisonné arbitrairement des manifestants pacifiques, des défenseurs des droits humains, des militants et des journalistes en 2017. Les associations ont continué d’être confrontées à des restrictions injustifiées, et la législation limitant le droit de former des syndicats est restée en vigueur. Des membres de la minorité religieuse musulmane Ahmadie ont été injustement poursuivis en justice. L’impunité pour les atteintes aux droits humains commises par le passé est restée la norme. Les autorités ont procédé à des expulsions massives de migrants. Les tribunaux ont prononcé des condamnations à mort ; aucune exécution n’a eu lieu.

Liberté d’expression et de réunion

En 2017, les autorités ont arrêté et poursuivi en justice des militants pacifiques, dont des personnes qui manifestaient contre le chômage ou au sujet des services publics. Des manifestants qui exprimaient leur solidarité avec des militants détenus ont également été incarcérés, de même que des journalistes et des blogueurs qui couvraient les manifestations sur les réseaux sociaux.

En janvier, des policiers ont arrêté le blogueur Merzoug Touati à Béjaïa, en Kabylie, après des manifestations contre l’austérité qui avaient eu lieu dans cette région.

Il a été maintenu en détention pendant que les autorités enquêtaient sur l’interview qu’il avait réalisée auprès d’un porte-parole du ministère des Affaires étrangères israélien et qu’il avait publiée sur son blog, ainsi que sur ses publications à propos des manifestations.

Le journaliste Saïd Chitour a été arrêté en juin par la police sur des soupçons d’espionnage et de vente de documents classés secrets à des diplomates étrangers. L’affaire a été renvoyée devant une juridiction pénale en novembre.

Les autorités ont continué d’interdire toutes les manifestations dans Alger, en application d’un décret de 2001.

Liberté d’association
En 2017 encore, les pouvoirs publics ont maintenu dans un vide juridique de nombreuses associations, dont Amnesty International Algérie et d’autres groupes de défense des droits humains, en n’accusant pas réception de leur demande d’enregistrement aux termes de la Loi relative aux associations, extrêmement restrictive. Les autorités locales n’ont pas accordé à la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH) l’autorisation d’organiser une rencontre sur le thème des droits humains en octobre et une manifestation publique pour commémorer l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme en décembre.

À la fin de l’année, le gouvernement n’avait toujours pas proposé de nouveau projet de loi respectueux de la liberté d’association, comme le prévoyaient pourtant les modifications apportées à la Constitution en 2016.

Défenseures et défenseurs des droits humains
Le défenseur des droits humains Hassan Bouras a été libéré en janvier, après qu’un tribunal a ramené sa peine de prison d’un an à six mois avec sursis. Il avait été arrêté par la police pour avoir publié, sur le compte YouTube de la section d’El Bayadh de la LADDH, une vidéo accusant de corruption de hauts responsables de la ville d’El Bayadh.

En mars, un tribunal de Ghardaïa a déféré devant la justice Salah Dabouz, avocat spécialiste des droits humains et membre de la LADDH, en raison de commentaires qu’il avait faits à la télévision à propos de troubles à Ghardaïa et parce qu’il aurait introduit en prison un ordinateur et une caméra lors d’une visite à un militant détenu.

Il avait été maintenu sous contrôle judiciaire de juillet 2016 à mars 2017, période pendant laquelle il devait se présenter deux fois par semaine au tribunal de Ghardaïa, à plus de 600 kilomètres de son domicile d’Alger.

En avril, le juge d’instruction d’un tribunal de Médéa a transféré le dossier de l’avocat spécialiste des droits humains Noureddine Ahmine, du Réseau des avocats pour la défense des droits de l’homme (RADDH), à un tribunal de Ghardaïa qui doit le juger pour « outrage à corps constitué » et « fausse » dénonciation d’une infraction.

Ces chefs d’inculpation sont liés à une plainte pour torture que l’avocat avait déposée en 2014, apparemment pour le compte de quelqu’un d’autre.

Procès inéquitables
En mai, à l’issue d’un procès inéquitable, un tribunal de Médéa a déclaré Kamaleddine Fekhar, fondateur du Mouvement pour l’autonomie du Mzab (MAM), et 21 de ses 41 coaccusés coupables de meurtre, de terrorisme et d’autres infractions graves, pour leur rôle présumé dans des violences intercommunautaires survenues dans la wilaya de Ghardaïa entre 2013 et 2015 et qui avaient fait environ 25 morts.

Ces 22 personnes ont été condamnées à des peines allant de trois à cinq ans de prison avec sursis partiel. Toutes ont ensuite été libérées entre mai et juillet 2017, après avoir purgé leur peine. Parmi les 41 prévenus, 37 avaient été maintenus en détention provisoire, pour beaucoup depuis 2015.

En juillet, les autorités espagnoles ont arrêté Salah Abbouna et Khodir Sekkouti, militants du MAM, à la suite d’une demande d’extradition des autorités algériennes, qui leur reprochaient de les avoir critiquées sur Facebook.

Les deux hommes ont été libérés sous caution en octobre, en attendant que l’Audience nationale, une division de la Cour suprême espagnole, se prononce sur leur extradition.

Liberté de religion et de conviction
Plus de 280 membres du mouvement religieux minoritaire ahmadi ont fait l’objet de poursuites en lien avec leurs convictions ou pratiques religieuses durant l’année.

À partir d’avril, les tribunaux ont remis en liberté 16 ahmadis après avoir réduit leur peine ou leur avoir accordé un sursis, mais des dizaines d’autres faisaient toujours l’objet d’une enquête ou de poursuites et cinq étaient encore en détention à la fin de l’année.

En août, les autorités ont de nouveau arrêté Mohamed Fali, chef de la communauté ahmadie d’Algérie, à Aïn Sefra, dans la wilaya de Naâma, avant de le traduire devant le tribunal de première instance d’Aïn Tedles pour « collecte de dons sans autorisation », « dénigrement du dogme de l’islam » et « appartenance à une association non agréée ». À la fin de l’année, cet homme était mis en cause dans six affaires différentes en instance devant plusieurs tribunaux, toutes découlant de l’exercice de sa foi.

Droits des personnes réfugiées ou migrantes
D’avril à juin, un groupe de 25 réfugiés syriens, dont 10 enfants, est resté bloqué dans la zone tampon entre le désert marocain et l’Algérie. En juin, les autorités algériennes ont annoncé qu’elles allaient les autoriser à entrer en Algérie et permettre au Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) de les aider. Cependant, elles ont par la suite refusé de les laisser entrer à un point de passage non officiel. Les réfugiés sont restés bloqués dans le désert jusqu’à ce que le Maroc leur accorde une protection.

Entre août et décembre, les autorités ont procédé, sur la base d’un profilage ethnique, à l’arrestation arbitraire et à l’expulsion forcée de plus de 6 500 migrants originaires de divers pays d’Afrique subsaharienne vers les États voisins du Niger et du Mali.

En février, 27 personnes, dont des ressortissants algériens, qui avaient tenté de quitter l’Algérie par la mer ont été déclarées coupables de sortie illicite du territoire par un tribunal de Annaba. Elles ont été condamnées à une amende de 20 000 dinars algériens chacune.

Droits des travailleuses et travailleurs
Le Code du travail continuait de restreindre abusivement le droit de former des syndicats en cantonnant les fédérations et confédérations syndicales à un seul secteur d’activité, en ne permettant la création de syndicats que par des personnes nées de nationalité algérienne ou porteuses de cette nationalité depuis au moins 10 ans, et en limitant le financement étranger des syndicats.

Les autorités ont, cette année encore, refusé de reconnaître la Confédération générale autonome des travailleurs en Algérie, une confédération intersectorielle indépendante qui demande son enregistrement depuis 2013.

En mai, le ministère du Travail a interdit le Syndicat national autonome des travailleurs de l’électricité et du gaz en lui retirant son récépissé d’enregistrement.

Un représentant des autorités a publiquement démenti l’interdiction de ce syndicat lors d’une session de la Conférence internationale du travail en juin.

Peine de mort
Cette année encore, les tribunaux ont prononcé des condamnations à mort. Aucune exécution n’a eu lieu en Algérie depuis 1993.

Impunité
Les autorités n’ont pris aucune mesure pour ouvrir des enquêtes et combattre l’impunité en ce qui concerne les graves atteintes aux droits humains et les possibles crimes contre l’humanité, notamment les homicides illégaux, les disparitions forcées, les viols et les autres formes de torture, commis par les forces de sécurité et les groupes armés dans les années 1990, au cours du conflit interne qui a déchiré l’Algérie et a fait, selon les estimations, quelque 200 000 morts ou disparus.

En janvier, la justice suisse a classé une enquête pour crimes de guerre, ouverte contre l’ancien ministre de la Défense algérien Khaled Nezzar pour des faits commis entre 1992 et 1994 en Algérie, la déclarant non recevable du fait de l’absence de conflit armé en Algérie à cette époque.

En février, le Comité des droits de l’homme [ONU] a conclu que les autorités algériennes avaient bafoué le droit à un recours utile, le droit à la vie et l’interdiction de la torture en ce qui concerne Mohamed Belamrania, victime de disparition forcée et d’exécution extrajudiciaire en 1995. Quelques jours après la publication de ces conclusions, son fils, Rafik Belamrania, a été arrêté par la police et inculpé d’« apologie du terrorisme sur Facebook ». C’est lui qui avait saisi le Comité des droits de l’homme. Il avait également rassemblé des informations sur d’autres cas de disparitions forcées, d’arrestations arbitraires et d’exécutions extrajudiciaires par les forces de sécurité algériennes contre des sympathisants présumés du Front islamique du salut (FIS) pendant les années 1990. Il a été condamné en novembre à cinq ans d’emprisonnement et à une amende de 100 000 dinars algériens.

 

dia

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