Santé numérique: l'IA et l'intelligence humaine au service du patient
Le 10ème Forum international de la santé numérique, organisé par le Forum médical de Réalités et la Société tunisienne de télémédecine et de e-Santé, se tient du 20 au 22 février 2025, dans l'un des hôtels de Hammamet, sous la thématique: "Intelligence naturelle et intelligence artificielle au service du patient" et ce, en présence de nombre d'experts, de professionnels de santé et d'innovateurs.
Ce forum, qui se déroule dans un cadre propice à l'échange et à la réflexion, met l'accent sur l'importance des deux intelligences, celle de l'humain et celle de la machine, dans l'optimisation des soins de santé.
C'est dans cette optique que le ministre de la Santé, Mustapha Fejani, a prononcé une allocution inaugurale offrant des perspectives éclairantes sur les initiatives en cours et les défis à relever dans le domaine de la santé numérique.
"Il s'agit d'une édition qui s'annonce cruciale, tant par la richesse de ses thématiques que par l'ampleur des défis qu'elle soulève. Le thème abordé "Intelligence naturelle et intelligence artificielle" est, désormais, au cœur des débats actuels dans le domaine de la santé, alors que l'interaction façonne la médecine d'aujourd'hui et redéfinit notre approche des soins", a-t-il déclaré.
Et d'ajouter: "Nous assistons, aujourd'hui, à une évolution fulgurante où l'IA dépasse parfois l'expertise humaine, notamment dans des domaines tels que la mammographie, pour le diagnostic précoce des cancers. Ce n'est plus une hypothèse, c'est une réalité" !
- Engagement ministériel et réduction des inégalités
Le ministre a fait savoir que l'essor de la santé numérique bouleversait la pratique médicale avec la prolifération de la télémédecine: chatbots médicaux, suivis des patients à distance, plateformes d'aide au diagnostic…". Ces outils, offrent, d'après lui des opportunités uniques, celles de réduire les inégalités d'accès aux soins notamment au niveau des régions de l'intérieur, d'améliorer la formation continue et de favoriser une médecine plus personnalisée.
"En Tunisie, nous sommes en train de développer la télémédecine. Dans quelques semaines, nous allons inaugurer une plateforme au niveau du ministère de la Santé, avec douze postes pour la lecture d'imageries médicales, y compris la mammographie, surtout dans les régions où plusieurs mammographes ne sont pas utilisés pour manque de radiologues", a-t-il poursuivi.
"Le ministère est fermement engagé dans cette transition et nous avons lancé plusieurs chantiers stratégiques pour moderniser notre système de santé", a-t-il affirmé, citant la digitalisation des dossiers médicaux pour une prise en charge plus efficace et la traçabilité grâce à un QR code des médicaments avec l'aide de l'ambassade des Etats-Unis, pour lutter contre les pénuries, les marchés parallèles et les fuites à travers les frontières entre autres. Et de faire savoir que pratiquement 95% des hôpitaux tunisiens sont digitalisés et que le sevrage avec les papiers viendra avec un peu de temps.
- Industrie pharmaceutique et révolution numérique
"L'informatisation de la gestion hospitalière et des finances publiques garantissent la transparence, la rationalisation des dépenses et une meilleure gouvernance. Ces avancées sont essentielles pour assurer une prise en charge efficace des patients, notamment via l'intégration de l'IA dans l'assurance maladie privée et publique (CNAM), à titre d'exemple" a-t-il dit. Et de souligner, en ce sens, le risque de variation des primes d'assurance en fonction des algorithmes et de l'état de santé de chaque patient en cas de non-respect des données personnelles, ce qui constitue une menace au principe de l'équité.
En ce qui concerne l'industrie pharmaceutique, le ministre a noté que l'Intelligence artificielle est capable, même en cas de maladies rares, d'imaginer à partir de big data, de nouveaux remèdes et que la simulation en réalité augmentée et l'apprentissage assisté par l'IA permettent au médecin d'acquérir, plus rapidement et de manière plus interactive, de nouvelles compétences.
Les algorithmes de l'IA accélèrent la découverte de nouveaux traitements et optimisent les essais cliniques ouvrant la voie à une médecine de précision. L'impact est considérable et va redéfinir la relation médecin-patient-industrie de santé, selon ses dires.
- Menaces et dérives de l'IA
Le ministre Mustapha Ferjani a, en outre, fait savoir que: "Ce serait naïf de n'y voir que des opportunités, sans en évoquer les dangers potentiels si elle est mal encadrée. L'intelligence artificielle peut, en effet, menacer l'éthique médicale, la confidentialité des données personnelles et même le rôle du soignant dans la prise de décisions critiques".
Il a expliqué, dans ce cadre, que plusieurs experts avaient mis en garde contre les risques de perte de contrôle et que certains chercheurs et décideurs avaient même démissionné, dénonçant une course effrénée qui pourrait échapper à la régulation.
"Certaines spécialités médicales risquent, peut-être, de disparaître, quand des outils d'IA ultra performants viendront les remplacer, tandis que de nouveaux métiers émergeront dans la gestion et l'interprétation de ces nouvelles technologies", a-t-il ajouté.
L'IA sera-t-elle un outil au service de l'Homme ou finira t-elle par le surpasser ? C'est à nous décideurs, médecins, chercheurs et ingénieurs de veiller à ce que le progrès technologique reste bien au service de l'être humain et non l'inverse.
"Nous sommes à un tournant de l'histoire médicale. L'IA et la santé numérique ne sont plus un concept futuriste, mais une réalité tangible et irréversible. Elles offrent des avancées extraordinaires mais doivent être accompagnées d'un cadre éthique et réglementaire solide. Nous devons adopter une approche responsable, humaniste et inclusive, où l'IA complète et renforce l'intelligence naturelle des médecins, sans jamais la remplacer totalement. C'est avec cet esprit que nous encourageons les innovations et les initiatives, afin de stimuler la créativité et encourager les solutions qui feront la médecine de demain", a conclu le ministre de la Santé.
Malèk Jomni