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France - Immigration: A Macron le ''beau rôle''...?

Durci à l'extrême par le Sénat, au bout de moult tractations et négociations, le très controversé projet de loi sur l'immigration du gouvernement Macron, porté par Gérald Darmanin, le ministre de l'Intérieur, puis approuvé par une commission paritaire mixte, a finalement été voté au Parlement, par une large majorité de députés, soit 349 sur 535 votants. Une "infâmie", criera la gauche; "une victoire idéologique", clamera Marine Le Pen, présidente du Rassemblement national. Entre les deux, le bloc Macron se divise, une partie ne se voyant pas avaliser des mesures jugées en opposition avec les "valeurs de la France", "xénophobes" et s'apparentant à l'extrême-droite.

Le ministre de la Santé jettera le premier pavé dans la mare en démissionnant, à peine quelques minutes après le vote et avant même de savoir que 59 de parlementaires "alliés" s'étaient abstenus ou avaient carrément rejeté la mouture sénatoriale du projet de loi.

Macron voulait-il tant ?

Face à l'attendue et immédiate dénonciation des syndicats et des organisations de la Société civile, Ligue des droits de l'Homme en tête, la Première ministre Elisabeth Borne qui s'était sûrement préparée à cette réaction et certainement après concertation avec son président, s'est empressée de déclarer que "le texte était amené à évoluer, que certaines mesures étaient inconstitutionnelles et qu'elles ne seraient pas appliquées, notamment en ce qui concerne l'aide médicale d'Etat", mettant en emphase la décision d'Emmanuel Macron de saisir le Conseil constitutionnel; une initiative aussi prompte que celle, similaire, prise par la coalition de gauche et des écologistes (NUPES) de Jean luc Mélenchon.

Mercredi soir, Emmmanuel Macron confirmait sa désapprobation de quelques durcissements du Sénat, déclarant par là-même, que certains autres articles ne le "faisaient pas sauter de joie", glissant toutefois la phrase ambiguë "on avait besoin d'un bouclier, concernant l'immigration..." et qu'il fallait agir (entendre : autrement) sur les questions qui nourrissent le discours de l'extrême-droite, en référence au projet initial sur l'immigration du gouvernement, rejeté autant par cette dernière que par la gauche. 

Sa position, corroborée par celle d'Elisabeth Borne, interpelle à plus d'un titre et impose des questionnements. Pourquoi avoir laissé le projet se bétonner jusqu'à atteindre "l'inconstitutionnel"? Y aurait-il eu manœuvre pour laisser entrevoir "le pire" qui pourrait arriver pour faire passer et accepter "le dur". En plus simple, n'était-ce pas une façon de tordre le bras aux refractaires jugeant le projet Darmanin trop répressif ? Un président de la République, avec son armada de conseillers juridiques et de maîtres de l'art des manœuvres politiques, ne pouvait ne pas avoir prévu la levée de boucliers qu'allait susciter le vote de mardi soir, ni ignorer que le "Conseil des neuf Sages" allait, de toute façon, être saisi, pour non-constitutionnalité de plusieurs articles de la version du Sénat, ce qu'il a dénoncé lui-même. Par ailleurs, en se déchargeant sur le Conseil constitutionnel, n'a-il pas voulu éviter les tracas et les risques qui peuvent aller jusqu'à la dissolution du Parlement, en ne signant tout simplement pas le texte ? N'est-ce pas là une façon de ne pas s'attirer le courroux de l'électorat anti-immigration et de ne pas trop offusquer les modérés du Centre et de la gauche. Bref, sortir son épingle du jeu et s'octroyer le "beau rôle" ? En tout cas, pour Andrée Taurinya de La France insoumise, "la Macronie court après la droite qui court après l'extrême-droite"... Tout un (en)jeu politique.

Que décidera le Conseil constitutionnel ?

Quoi qu'il en soit, c'est désormais aux neufs "Sages" du Conseil constitutionnel de décider, dans un maximum d'un mois, du sort de la nouvelle mouture de cette loi sur l'immigration. Mais ils ne sauraient prononcer leur verdict, en étant imperméables à ce que provoque déjà le vote de mardi dernier, comme appels à des manifestations de rejet, volonté de 32 départements -déjà déclarés- de ne pas appliquer certaines mesures... Aussi  est-il probable que leur décision ne repose pas sur la seule constitutionnalité des chapitres.

En tout cas, s'il est quasi-impossible que le texte soit rejeté ou accepté dans sa totalité, ce sont la dimension de l'intervention et le nombre d'articles appelés à être revus qui sont incertains. Mais nous pouvons anticiper et avancer que des chapitres vont certainement être allégés ou carrément rayés, soit pour leur non-constitutionnalité pure et simple, soit parce que l'inégalité dans l'application de la loi entre Français et immigrés y serait criarde.

Il s'agit notamment des allocations familiales et de l'aide au logement pour les étrangers, conditionnées par cinq ans de résidence en France pour ceux qui ne travaillent pas et à 30 mois pour les autres. Le durcissement du regroupement familial où il est exigé de disposer d'une assurance-maladie pour tous les membres de la famille, en plus de ressources "fixes et suffisantes", est également concerné. Tout comme la restriction du droit du sol qui stipule qu'un enfant né de parents étranger n'obtiendra plus la nationalité française qu'à sa demande, à partir de l'âge de 16 ans et pas auau-delà de 18. Idem pour la caution-étudiants qu'on veut imposer pour couvrir le coût ďune éventuelle expulsion.

Les restrictions de l'aide médicale d'Etat tout comme l'allocation personnalisée ďautonomie allouée par les départements, ont elles aussi de fortes chances d'être rejetées. Les députés, pour leur part, ne devraient pas trop s'attendre à ce que le Conseil constitutionnel approuve que ce soit le Parlement qui décide, dans les trois ans à venir, du quota et du plafond des étrangers autorisés à entrer en France.

On en aura le cœur net dans un délai d'un mois. En attendant, la droite et l'extrême-droite, le Rassemblement national en meneur, exigent une validation complète du projet de loi, sans quoi elles iraient jusqu'à la modification de la Constitution. Du côté de la gauche et de la majeure partie de la Sociéte civile, quelles que soient les modifications, la loi sera dénoncée et combattue, si elle est juste ramenée au niveau du projet Darmanin et...Macron. Entre ceux-ci et ceux-là, les immigrés, surtout les sans-papiers, croisent les doigt, prient et espèrent que le slogan des Macronistes "contrôler l'immigration, améliorer l'intégration" n'est pas synonyme d'obligation d'aller voir ailleurs ou de reconduction vers leurs pays d'origine.

De toute façon, une fin d'hiver et un printemps chauds en perspective pour l'Hexagone.