Raoudha Karafi: Les hommes politiques ne veulent pas d’un magistrat indépendant
Raoudha Karafi, présidente de l’Association des magistrats Tunisiens (AMT), était l’invitée de Boubaker dans Midi Show de ce jeudi 24 mars 2016.
Le projet de loi créant le Conseil supérieur de la magistrature (CMS) adopté dans la soirée du 23 mars 2016 est au cœur des débats et des critiques des magistrats. 132 députés ont voté pour le projet du gouvernement. Aucun député n’a voté contre ce projet. Le projet en question sera soumis à l’examen par l'instance de contrôle de la constitutionnalité des projets de loi avant son entrée en vigueur, a indiqué le rapporteur de la commission de législation générale.
Par contre 12 articles ont été rejetés avant le vote. Mais, le projet n’a pas été examiné par la commission des consensus.
"Ce que nous aons craint a bel et bien eu lieu lors de la séance plénière hier. L’ARP a adopté une loi créant un pouvoir judiciaire loin d’être indépendant. Le projet du gouvernement a été massacré et plusieurs articles ont été rejetés sans être négocié. La première mouture du projet contient 80 articles et les explications concernant le non respect de la constitution n’ont pas été données. Le garant de l’indépendance de la magistrature est une structure de contrôle indépendante et un organisme de formation des magistrats qui n’est pas sous la main du pouvoir exécutif. Mais, la commission de législation générale est revenue à la case départ en donnant toutes ces prérogatives au pouvoir exécutif. La première mouture présentée par le gouvernement, contenait des garanties. Mais, elle a été tout simplement détruite. Il y a eu une complicité générale de la part de tous les députés", a estimé Raoudha Karafi.
Les mutations et les promotions des magistrats ne sont que des détails. Mais le projet actuel permet encore au ministre de la Justice d’intervenir dans le déroulement de la justice… Les députés doivent expliquer aux citoyens comment ils ont procédé pour faire un changement des règles qui régissent le pouvoir judiciaire. La séance plénière d’hier sera inscrite dans l’histoire du pays car il a permis de garder aux hommes politiques de garder une mainmise sur les magistrats, a conclu la présidente de l’AMT.
Plus d’indépendance aux magistrats
Hassan Laameri, membre de la commission de législation générale à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), a rejeté de son côté les accusations de complot en passant le projet de loi créant le Conseil supérieur de la Magistrature.
Le député a expliqué qu’il y a eu un problème juridique car plusieurs articles ont été rejetés dans leur forme il y a un an. «Les députés de l’ARP sont composés de partis au pouvoir et de l’opposition. Le fait d’intervenir dans l’organisation du pouvoir juridique est délicat. Si le projet a été adopté dans sa première mouture, le ministère de la Justice n’aurait plus d’utilité», a indiqué Hassen Laameri.
Le projet présenté par le gouvernement ne respectait pas la Constitution, a ajouté Hassan Laameri. «En 2015, nous avons convié toutes les parties prenantes pour prendre leur avis. Hier c’était la troisième séance plénière consacrée de ce projet. Ce projet, donne le pouvoir des sanctions et des nominations des magistrats au CMS. Le projet casse aussi la tendance de domination de certaines familles sur la magistrature en Tunisie».
Hassan Laaremi, a estimé que la présidente de l’AMT est trop concentrée sur les magistrats et non pas sur la justice comme pouvoir. «Le fait de donner le pouvoir absolu aux magistrats ne garantira pas l’instauration d’un pouvoir judiciaire indépendant, a assuré le député.